Kaboul, Afghanistan - L'Ariana, l'un des cinémas les plus emblématiques de la capitale, vient d'être démoli pour laisser place à un centre commercial. Ayant vibré au rythme des films du monde entier, ce lieu mythique avait su captiver des générations entières d'Afghans.
Après leur retour au pouvoir en 2021, les autorités talibanes ont instauré une version stricte de la loi islamique qui a entraîné l'interdiction de la musique et des films dans les espaces publics. Bien que l'Ariana ait cessé sa programmation, son bâtiment était resté exposé sur la place centrale de Kaboul jusqu'à ce matin.
Une habitante de la ville, rappelant ses souvenirs d'enfance passés à ce cinéma dans les années 70, confie : "La nouvelle de sa destruction m'a brisé le cœur. Il y avait de la vie à Kaboul à l'époque." Dans un contexte où les distractions s'amenuisent pour les femmes et les hommes, la disparition du cinéma semble accentuer le sentiment de tristesse et de désespoir parmi les habitants.
Construit dans les années 1960, l'Ariana avait été l'un des rares lieux où les résidents pouvaient savourer la culture cinématographique jusqu'à sa fermeture lors de la guerre civile (1992-1996). Plus tard, sous le régime taliban précédent (1996-2001), le cinéma était totalement abandonné. Sa réouverture en 2004, après une restauration financée par des donateurs français, avait redonné un souffle d'espoir à la culture afghane, lors d'une cérémonie inaugurale où étaient présents des figures comme Claude Lelouch, metteur en scène français, et le ministre de la Culture de l'époque, Renaud Donnedieu de Vabres.
Jean-Marc Lalo, l'un des architectes qui a supervisé sa restauration, réagit avec douleur à la nouvelle de sa destruction : "C'est comme si une pelleteuse me broyait le cœur. Ce cinéma n’était pas qu’un bâtiment, mais un symbole d’espoir et d’ouverture". La tristesse se lit également dans les mots de l'écrivain et cinéaste franco-afghan, Atiq Rahimi, qui a également présenté son premier film ici. Selon lui, "raser un cinéma, c'est effacer l'avenir".
Malheureusement, d'autres cinémas de Kaboul, comme le Park, ont également été ciblés pour des démolitions similaires au profit de nouveaux centres commerciaux. Alors que la ville perd ses mémoires culturelles, les résidents se demandent quelles autres facettes de leur patrimoine sont vouées à disparaître face à ce que l'on appelle le "modernisme".







