Paris (France) – Alors que le Rwanda commémore l'anniversaire d'un génocide qui a coûté la vie à plus de 800.000 personnes, principalement des Tutsi, une nouvelle plainte met en lumière le rôle controversé de la Banque de France. D'après des révélations parues dans Libération, la banque centrale est accusée d'avoir permis des transferts d'argent qui auraient facilité l'approvisionnement en armes des forces génocidaires.
Déposée le 4 décembre auprès du Pôle crimes contre l'humanité du tribunal judiciaire de Paris, la plainte vise à déterminer si la Banque de France a respecté ses obligations de contrôle en dépit de l'embargo sur les ventes d'armes au Rwanda établi par l'ONU en mai 1994. Le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), ainsi que les fondateurs Alain et Dafroza Gauthier, soutiennent que la Banque n'a pas gelé le compte de la Banque nationale du Rwanda, mais a effectué des virements totalisant 3,17 millions de francs, équivalent à environ 486.000 euros, à cette même époque tragique.
Alain Gauthier, impliqué dans la lutte pour faire juger les responsables du génocide, a déclaré : "Elle savait forcément !" et a ajouté que personne, surtout en France, ne pouvait ignorer la situation au Rwanda en mai 1994. Parmi les bénéficiaires des transferts se trouve la société française Alcatel, soupçonnée d'avoir fourni des équipements de communication aux autorités rwandaises.
Des fonds pour des achats d'armes ?
Des documents examinés par l'AFP font état d'un versement de 435.000 francs à Alcatel le 5 mai 1994, un montant qui aurait servi à l'acquisition de téléphones satellites essentiels pour le régime rwandais. D'autres distributions de fonds auraient été orientées vers des ambassades rwandaises en Égypte ou en Éthiopie, utilisées pour l'achat d'armements. Les avocats du CPCR, Mes Matilda Ferey et Joseph Breham, ont fait remarquer que d'autres banques européennes avaient refusé d'effectuer ces transferts.
Contactée, la Banque de France a répondu qu'elle avait mené des recherches sommaires, étant donné le temps limité depuis le dépôt de la plainte, et n'a trouvé aucune trace des virements mentionnés. Elle explique que, conformément à la réglementation, toutes les pièces comptables sont détruites après dix ans.
Les avocats du CPCR ont souligné que le génocide des Tutsi n'est pas uniquement l'œuvre de ceux qui ont agi directement sur le terrain, mais que de nombreux "criminels en col blanc" ont également contribué à la tragédie, en signant des documents qui ont permis le financement de la machine génocidaire.
Parallèlement, il est important de noter que BNP Paribas fait également face à des accusations similaires depuis 2017, s'étant vu ouvrir une enquête pour complicité de génocide, après que plusieurs associations ont affirmé qu'elle avait financé des achats d'armes au profit de milices hutuses.
L'ONU a estimé que le génocide au Rwanda, entre avril et juillet 1994, a causé la mort de plus de 800.000 personnes, principalement des Tutsi, dont le souvenir hante encore la mémoire collective. Le chemin vers la justice semble semé d'embûches, alors que ces révélations jettent une ombre sur les institutions financières qui ont, selon certains, facilité cette horreur.







