Maryam Ghelich, aujourd'hui monitrice de moto, a commencé son apprentissage dans l'ombre des nuits tehranaises. Forte de ses 15 années d'expérience, elle constate un engouement sans précédent pour les motos parmi les Iraniennes. Dans les rues animées de la capitale, de plus en plus de femmes arborent des casques colorés, symbole d'un changement social en mouvement.
« Les mentalités évoluent », affirme Ghelich, qui dirige désormais des cours de moto pour femmes. Autrefois, la pratique était largement rejetée, mais aujourd'hui, son centre d'entraînement est le témoin d'une affluence croissante. Il y a quinze ans, ses élèves étaient rarissimes; aujourd'hui, elles sont des dizaines à franchir le seuil de son école, témoignant d'une ouverture sociétale.
Depuis la Révolution islamique de 1979, les femmes ont été soumises à des lois restrictives sur la pratique de certaines activités. Les exigences vestimentaires compliquent encore la tâche des motardes qui doivent combiner le hijab et des vêtements amples tout en manœuvrant leurs machines. « Lors de certaines courses, il était obligatoire d’enfiler de longues combinaisons au-dessus des tenues en cuir, ce qui gênait considérablement la conduite », explique-t-elle.
Aujourd'hui, malgré quelques réticences persistantes, la tendance s'inverse. Maryam Ghelich note que même si la police peut en théorie réagir aux comportements inappropriés - comme conduire sans hijab - une certaine tolérance semble émerger. Elle explique : « Bien que des voix critiques se fassent entendre, nous avons constaté un assouplissement des attitudes face à ces femmes qui bravent les normes. »
Les révolutions sociales ne se font pas sans frottements. La mort tragique de Mahsa Amini en 2022 et les manifestations qui ont suivi ont galvanisé les femmes iraniennes, incitant beaucoup à revendiquer davantage de libertés. Dans ce contexte, l'absence de permis de conduire pour les femmes demeure un point de tension. Bien que les lois n'interdisent pas formellement cette pratique, les autorités n’émettent jamais de permis aux femmes, une situation qui engendre une grande inégalité.
Niloufar, une styliste de 43 ans, partage son inquiétude : « Conduire sans permis, c’est affronter des risques supplémentaires. En cas d’accident, la loi ne fera aucune distinction. » Les représentants gouvernementaux, comme la porte-parole Fatemeh Mohajerani, maintiennent que les femmes peuvent conduire légalement, promettant qu'aucune réglementation ne les en empêche. Cependant, pour beaucoup, comme Mona Nasehi, la peur persiste. « J’ai eu une confrontation avec la police, mais j’ai choisi de m’échapper, car l’incertitude de leur réaction me fait craindre d’être maltraitée. »
Dans les rues de Téhéran, l'optimisme règne malgré les obstacles. Nayereh Chitsazian, nouvelle motarde, assure que tant que ses documents sont en ordre, elle n’a rien à craindre. Cette dynamique cache une lutte plus large pour l'émancipation des femmes en Iran, où la passion pour la moto devient un symbole de résistance. Selon des experts, cette évolution est le fruit d'une volonté de changement qui pourrait redéfinir le paysage social iranien.







