Dans une initiative ambitieuse, l'Union européenne s'apprête à dévoiler un projet visant à établir un régulateur puissant pour surveiller l'ensemble des cryptomonnaies, des marchés boursiers et des gestionnaires d'actifs à travers le continent. Cette proposition, attendue de Bruxelles, marque un tournant majeur dans la régulation financière européenne, bien déterminée à affirmer son autonomie face à des géants comme les États-Unis.
Selon des sources consultées par l'AFP, l'autorité européenne des marchés financiers, l'Esma, verrait ses prérogatives étendues, prenant le pas sur les régulateurs nationaux. Ce changement s'inscrit dans une volonté de créer un marché unique des capitaux en Europe, capable de rivaliser avec d'autres grandes puissances financières, comme le souligne le rapport de l'économiste Mario Draghi, qui recommande des investissements annuels de 750 à 800 milliards d'euros.
La régulation des cryptomonnaies revêt une importance particulière dans le contexte actuel, marqué par une chute de 30% de la valeur du bitcoin depuis deux mois. Avec une réglementation qui datée d'une entrée en vigueur en fin d'année dernière, le rôle de supervision est actuellement aux mains des autorités nationales, qui sont critiquées pour leur manque de rigueur. L'Esma a déjà signalé des lacunes dans divers pays, notamment à Malte, où plusieurs entreprises de ce secteur se sont installées.
La centralisation de la régulation pourrait également apporter davantage de cohérence aux politiques financières, comme l’a mentionné Kenneth Farrugia, directeur général de l'autorité de régulation des marchés de Malte, qui craint que l'Esma manque de ressources pour mener à bien ses nouvelles missions. Cependant, ils sont soutenus par Giovanni Cunti, dirigeant de la plateforme Gate, qui estime qu'un risque pourrait surgir si les entreprises n'ont plus d'interlocuteurs directs.
Le projet vise à instaurer un modèle similaire à celui de la Securities and Exchange Commission (SEC) américaine, en établissant un contrôle direct sur toutes les infrastructures de marchés, y compris les bourses et les chambres de compensation. Ce renforcement des pouvoirs de l'Esma comprend également la possibilité de suspendre des permis européens en cas de non-conformité par les gestionnaires de fonds.
Cependant, la réaction des États membres ne se fait pas attendre. La France, qui soutient ce projet, se heurte à des réticences, notamment de la part du Luxembourg, qui souhaite préserver une régulation adaptée aux exigences locales. Serge Weyland, directeur général de l'association Alfi, défend la nécessité de garder une régulation nationale, estimant que l'Esma ne peut pas appréhender les spécificités de chaque marché.
D'autres pays, comme l'Allemagne, tout en prônant une convergence des régulations, insistent sur l'importance d'ajouter une véritable valeur à ce processus. Le ministère fédéral des Finances a exprimé son soutien à une telle réforme, mais sous certaines conditions.
Alors que l'Europe se dirige vers une régulation financière plus intégrée, l'impact de ces modifications sur le paysage économique reste à déterminer, mais la volonté d'une harmonisation est clairement exprimée.







