Le voyage récent d'Emmanuel Macron en Chine met en lumière une dynamique économique historique : lorsqu'un pays contrôle une ressource stratégique, il en fait souvent un levier de pression, que ce soit sur le plan commercial, diplomatique ou géopolitique. Actuellement, les terres rares, dominées par la Chine, suscitent des inquiétudes croissantes en Occident. Mais cette situation n’est pas sans précédent.
À la fin du XIXe siècle, le Brésil détenait un quasi-monopole sur le caoutchouc naturel, essentiel à l'industrialisation, notamment pour la fabrication de pneus et de matériaux variés. Cependant, cet empire caoutchoutier s'est vu ébranlé par une opération d'espionnage botanique en 1876. Henry Wickham, un botaniste britannique, a volé des graines d'hévéa, qui ont par la suite été cultivées en Asie du Sud-Est. Ce simple acte a initié l'effondrement du monopole brésilien, illustrant comment un pays peut voir son pouvoir contourné par l'innovation et la détermination.
Dans le même ordre d'idées, Venise, entre le XIIIe et le XVe siècle, a maîtrisé le commerce des épices, imposant des prix exorbitants et contrôlant les routes commerciales, jusqu'à ce que des puissances maritimes comme le Portugal et les Pays-Bas tracent de nouvelles voies. Ces exemples historiques, comme le souligne le spécialiste en histoire économique Pierre Dautremer, rappellent que les monopoles, bien que puissants, sont finalement vulnérables face à l'ingéniosité humaine et au changement.
Au XVIIe siècle, la Compagnie britannique des Indes orientales a intensifié son contrôle sur le commerce asiatique, ne se contentant pas de dominer les prix mais allant jusqu'à imposer la guerre, notamment lors des guerres de l'opium, pour forcer l'ouverture des marchés chinois. Comme l'indique l’historien Jean-Pierre Le Goff, cette brutalité a transformé la Compagnie des Indes en un acteur politique majeur, utilisant le chantage comme outil de négociation.
Ces épisodes démontrent un cycle récurrent : un monopole génère du pouvoir, ce pouvoir pousse à des tensions, et la résolution de celles-ci passe souvent par la diversification et l'innovation. C'est un schéma que l'Occident essaie de répliquer aujourd'hui face à la domination chinoise sur les ressources critiques. Ainsi, la quête d'autonomie dans la production et le raffinage des terres rares devient un enjeu stratégique incontournable, comme le mentionne le commissaire européen Stéphane Séjourné lors de récentes discussions au Sénat.
La leçon à retenir est claire : même les monopoles les plus solides peuvent faiblir et laisser place à de nouvelles dynamiques de pouvoir. Alors que le contrôle des ressources perdure, l'histoire nous rappelle que l'innovation et la stratégie d'approvisionnement peuvent inverser la tendance à long terme.







