Dans la Creuse, cette région souvent qualifiée de terre déserte, un projet audacieux voit le jour. À Felletin, une commune de 1 500 habitants, un lycée en difficulté se réinvente en un campus universitaire où l'espoir se mêle à la possibilité d'un avenir radieux pour des étudiants parfois « cabossés » par leur parcours scolaire.
Salle de musculation, stade de foot et même cinéma : cet établissement, spécialisé dans les métiers du bâtiment, rappelle les campus américains. Toutefois, l'apparence est trompeuse. Les vestiges des années 1950, comme les carrelages en terrazzo et les installations vieillissantes, témoignent d'un passé révolu. Autrefois, conçu pour accueillir 1 000 élèves, ce lycée a connu des menaces de fermeture à plusieurs reprises en raison d'un manque d'élèves et de moyens. La région Nouvelle-Aquitaine a finalement intervenu, investissant 46 millions d'euros pour rénover l'internat et moderniser les ateliers techniques.
Jean-Louis Nembrini, vice-président du conseil régional, souligne l'importance de cette transformation : « La crise démographique a des conséquences sur nos territoires. Nous devons réinventer nos lycées pour éviter leur fermeture. » L'objectif est de créer des « universités de proximité » dans cette région où 70 % des formations supérieures sont situées dans des villes éloignées, comme Bordeaux, souvent inaccessibles en raison des coûts de la vie et du logement.
A Felletin, le quotidien d'Ahmad, un étudiant d'origine syrienne, est rythmé par la nature environnante. Il joint ses camarades, Ifra et Mathéo, issus de Dakar et Montluçon, pour des randonnées sur le plateau de Millevaches. L'établissement accueille environ 130 étudiants, leur proposant divers BTS et licences professionnelles, allant de la construction métallique à la modélisation 3D. Les élèves logent dans des logements étudiants ou chez des familles locales, tissant des liens avec le territoire.
Bertrand Breysse, le proviseur, aborde une autre dimension de cette initiative : « Nous accueillons beaucoup de jeunes issus de milieux défavorisés, souvent sans ambition. Mais ici, grâce à un mélange avec d'autres étudiants, des miracles se produisent. » Plusieurs étudiants qui avaient des difficultés dans le passé réussissent à décrocher leur diplôme supérieur, transformant ainsi leur trajectoire.
Les défis sont nombreux, mais l'enthousiasme est palpable. Sous une pluie hivernale, des apprenants se réunissent sur un chantier collectif pour ériger un kiosque de jardin, une expérience qui dépasse la simple formation. Cette initiative s'inscrit dans une volonté plus large de redynamiser la ruralité, où tout devient possible lorsqu'on unit les forces.
À l'horizon 2027, le campus aspire à proposer des masters en ingénierie et architecture, capitalisant sur les atouts de la ruralité. Jean-Paul Laurent, maître de conférences à l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier, évoque un écosystème en pleine effervescence où chacun, des entreprises aux collectivités, se mobilise pour le bien commun.
Dans le second département le moins peuplé de France, la mission est claire : attirer des jeunes vers des métiers en tension, avec l’espoir d’un avenir prometteur. Comme le dit une ancienne salariée du site, « il faut convaincre ces jeunes de venir ici plutôt qu'à Biarritz ». Le Grand Café, situé au cœur du village, témoigne déjà de cette effervescence, avec la montée d'une nouvelle génération d'étudiants remplaçant les anciens élèves du lycée. « Quand on est éloigné de tout, la solidarité devient essentielle. Ici, on apprend à prendre les choses en main », conclut-elle.







